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Une fin exotique

Dis maman, d’où venons-nouss’interroge le petit, pelotonné dans son nid douillet.

Surprise par cette question, sa maman lui répond :

– Notre famille existe depuis des générations, et nous sommes répandus dans le monde entier.

– Alors tu connais tous les gens de notre clan?

– Oh non voyons, nous sommes bien trop nombreuxréplique sa mère distraitement.

Elle lorgne de droite à gauche.

– Tu es inquiète Maman, que se passe-t-il?

– Mon chéri, nous devons partir sans tarder. Nous ne sommes plus les bienvenus ici.

– Pourquoi? C’est ma maison ici, je n’ai pas envie de partir!

Le petit regarde autour de lui les longues brindilles brillantes et soyeuses d’où émane une odeur de frais, dans laquelle ses frères et sœurs sont occupés à vagabonder.

Sa mère reprend :

– Si nous voulons survivre, nous n’avons pas le choix. Tu es encore bien jeune, mais tu dois savoir que notre peuple n’a jamais été compris ni apprécié. Toujours chassés; la famille s’éparpille, c’est notre destin. Un destin de nomade, sans cesse à la recherche d’un nouveau point d’ancrage. Nous devons partir à la prochaine occasion. Elles ont été rares ces derniers temps. Normalement, il est très facile de se déplacer et de s’installer ailleurs. Mais en ce moment c’est impossible.

– Tu me fais peur maman. Et pourquoi personne ne nous aime?

– Je l’ignore. On ne parle guère de nous. Dès qu’on prononce notre nom, les gens se crispent, tirent la langue de dégoût. Nous sommes un peuple honteux, une calamité pour certains, indignes d’exister.

Terrifié, le petit se blottit contre sa maman.

Il y a du mouvement depuis quelques jours, ils ne connaissent que trop bien les signes. De plus en plus bousculés, ils savent qu’ils ont été découverts. Pourtant, il leur est difficile de s’extraire et de s’enfuir. D’ordinaire, ils quittent le navire, laissant les bébés accrochés à bord. Mais aucune opportunité ne s’est présentée. Le leader, que ses semblables appellent Colonel prend la parole. Il est là depuis deux semaines et connait bien les lieux.

– Mes amis, comme toujours nous avons réussi à tromper notre hôte, mais à présent nous ne pouvons plus nous cacher. Nous sommes trop nombreux et bien trop gourmands. Vous avez tous entendu le cri, ressenti les secousses qui ont suivi. Le compte à rebours a commencé. Les transports sont rares et tardent à arriver.

Un patrouilleur soudain l’interrompt et le Colonel s’empresse de le questionner :

–  Avez-vous trouvé une issue de secours?

– Négatif mon Colonel. Nous sommes prisonniers sans possibilité d’échappatoire.

– Il y a pourtant eu une brève occasion au parc ce matin, savez-vous si certains ont pu fuir?

– Négatif mon Colonel. D’après mes informations, le contact n’a pas été établi, et le transfert n’a pas eu lieu. Nous n’avons jamais été confrontés à une telle situation. Qu’allons-nous faire ?

Le Colonel se dresse devant ses concitoyens et d’une voix grave prononce la sentence :

– Mes chers compatriotes; j’ai bien peur que ne nous soyons tous condamnés, seul un miracle pourrait nous sauver.

Bouleversés, tous se précipitent les uns sur les autres, sans but, en un chaos silencieux.

– Cessez! Plus vous vous agitez et plus vous accélérez notre perte. Tâchez de vous nourrir raisonnablement et de bouger le moins possible.

À ces mots, un tsunami balaie la colonie qui s’accroche fermement. À peine le temps de se remettre qu’une deuxième vague les étourdit.

– Maman, pourquoi ça tangue? Hum, mais ça sent bon! remarque le petit en s’agrippant de toutes ses forces.

– Ne t’y trompe pas! Cette odeur est l’odeur de la fin, lui répond sa maman, tremblante. Seuls les plus résistants ont une chance maintenant. Allons nous réunir avec tes frères et sœurs, il n’y a plus rien à faire.

Secoué de peur, il sent soudain un liquide chaud couler sur son dos. Il tressaille. Lentement, l’huile de coco recouvre ses orifices et lentement, l’asphyxie.

Les rescapés tombés ci et là, assistent impuissants au génocide de leurs congénères, conscients qu’ils subiront le même sort d’ici quelques heures.

La télé se met en marche et le Colonel, chef des poux, a juste le temps d’entendre ces mots :… l’école, qui reprend dans deux jours… avant de fermer ses yeux à jamais.

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