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Terroriste au beurre

14 Avril 2021. C’est la panique dans un quartier paisible de Cracovie.

Une bestiole non identifiée, se tapie dans un arbre, sous les fenêtres des honnêtes habitants et sème la terreur. Comment est-elle arrivée là ? Personne n’est au courant.

Madame Bukowski l’avait repérée la première. Hier, c’était le jour de l’époussetage de la couverture du chat. En pleine action, elle fut attirée par une chose informe, petite et marron, sans poils apparents et parfaitement immobile. Le cri d’épouvante qu’elle poussa retentit dans toute la cité et fit s’envoler les pigeons comme un bon vieux cliché de film. Quelle est donc cette bête féroce ? On n’avait jamais vu ça ici ! Elle le sait, elle loge dans ce quartier depuis sa tendre enfance. Elle essaya bien de chasser l’indésirable en lui vociférant après, mais ce dernier ne bougea pas d’un pouce. Les voisins, apeurés par les braillements de madame Bukowski ne furent d’aucun secours. Au lieu de ça, l’effroi se répandit, les fenêtres furent fermées et les enfants n’eurent plus le droit de jouer dehors.

Dans les foyers, mille et une hypothèses rocambolesques sur la nature de l’intrus sont formulées. Un oiseau ? Un iguane ? Pourtant on ne distingue ni pattes, ni tête, ni plumes d’ailleurs. Tous attendent l’arrivée des autorités compétentes en priant pour que tout redevienne comme avant très vite. Parce que ça, plus les restrictions dues à la pandémie, on franchissait les limites du supportable !

Enfin les voilà. 

Alertés par la description exotique de Madame Bukowski, les policiers ont pris toutes les précautions et ont bouclé le secteur. Ils sont trente. Armure de la tête aux pieds, communication talkie-walkie, la totale. Les habitants se régalent, en sécurité derrière leurs vitres. Armé d’une perche, un héros de la protection animale, Aleks Adamski, s’approche de l’arbre avec prudence. Il ne fait pas le fier, mais tout le quartier le regarde alors il fait comme si la situation était sous contrôle. En vint-cinq ans d’expérience il en avait vu d’autres entre serpents dans les toilettes, chiens enragés et tarentules en fuite. Ça, c’était un métier où l’on ne s’ennuyait jamais pour sûr ! Mais il doit l’admettre, il est incapable de nommer l’animal qui repose sur sa branche et qui ne répond pas à ses coups de perches. Ses collègues attendent au pied de l’arbre de recueillir la bête qui, on l’espère, tombera sagement dans le filet sans faire d’histoires. 

Cette dernière reste sourde à l’agitation qui l’entoure. Elle ne prête aucune attention aux émotions qu’elle provoque et reste là sans bouger. Cette attitude sournoise échauffe les inquiétudes des habitants qui s’attendent à ce qu’elle bondisse à chaque instant. La douce brise printanière souffle et il semble qu’un petit bout de peau de la bête se détache en virevoltant. On dirait une plume. «  Mais alors, c’est un oiseau ! » entend-on murmurer.  Aleks Adamski donne encore un coup de perche, plus fort cette fois. Le quartier retient son souffle, Madame Bukowski fait un signe de croix et cinquante grammes de pâtisserie s’échouent dans le filet en faisant un POC mou. Le doute sur la nature du chaos n’est plus permis. Il s’agit d’un croissant. L’agent se gratte la tête, embarrassé. II se donne quelques instants de réflexion avant de s’adresser à la foule aux fenêtres : 

— Heu… Merci à tous. Il n’y a plus rien à craindre. Heureusement aujourd’hui c’est une fausse alerte, mais il en aurait pu être tout autrement, vous n’imaginez pas tout ce que l’on voit. Vous avez bien fait de nous appeler.  

Les policiers et la protection animale quittent les lieux sous les applaudissements, se demandant quoi écrire dans leur rapport. Le sac contenant le croissant est jeté à l’arrière du véhicule. Le pauvre n’accomplira jamais son rôle. Un croissant devrait être mangé délicatement, trempé dans un café et entamé par les deux côtés. Ou bien effeuillé de ses couches de pâtes feuilletées avec grâce ou dévoré en trois bouchées sans autre égard. Encore faut-il qu’il soit bon. Celui-là vient de Pologne. Peut-être ne remplissait-il pas les cases d’un croissant comme il se doit, d’un croissant français ! Croquant, beurré à souhait et dodu. Peut-être est-ce un croissant de grande surface acheté la veille ! Flasque et mou, sans saveur. Quoiqu’il en soit, le croissant a atterri dans un arbre, terrorisé tout un quartier et part maintenant vers une destination inconnue. 

Le sujet défraye la chronique internationale et obtient même une colonne sur la page Facebook de la BBC. Un événement !

La vie reprend son cours dans le quartier de Cracovie. On entend encore quelques hypothèses aux balcons et on demeure vigilant, surtout madame Bukowski qui se sent investie d’une mission et n’hésitera pas à rappeler qui de droit si une telle chose se reproduit. Quant au mystère sur la présence du croissant dans l’arbre, il reste entier. Il faut dire que personne n’a pris la peine d’enquêter.

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/pologne-un-animal-inquietant-se-revele-etre-un-croissant-20210414

4 commentaires

  • Sabrina P.

    Alors ça, pour un fait divers, c’est un fait divers rocambolesque ! Déjà, avec un nom comme Bukowski, tu avais piqué ma curiosité, mais terminer par un croissan, alors là, tu m’as bien eue ! Ca fait plaisir de te lire et j’espère que tous tes projets avancent comme tu le souhaites. Belle journée à toi, Sabrina.

    • ARod

      Hello Sabrina ! Comme tu le vois, j’ai toujours un train de retard… ! Merci pour ton retour, cette histoire de croissant perturbateur m’a fort amusé en la découvrant sur le site de la BBC ! Tout ça pour ça ! J’espère que tout va bien de ton côté busy bee !
      A bientôt.
      Audrey

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