Histoires de tous les jours et d’importance capitale pour les personnes concernées
1. Le chêne massif, aux branches feuillues, témoin de centaines parties de cache-cache dans la cour de l’école, de confidences partagées sur ses branches, de graffiti d’amour creusés dans son tronc et de chagrin consolés sur ses racines; rendit l’âme un jour de printemps; le directeur n’avait pas eu d’autre choix que de le faire couper ras, après la chute d’un enfant qui lui couta un bras cassé, un trauma crânien et la colère de ses parents.
2. Marlène se sourit dans la glace, applique le mascara sur ses yeux et le rouge sur ses lèvres avec des gestes experts; elle lisse ses cheveux et les tient avec une barrette un peu lâche; elle se trouve belle; quand soudain une démangeaison à l’entre-jambes et la boursouflure sous ses dessous lui rappellent que David est bien présent et que la route est encore longue avant de devenir tout à fait la femme qu’elle désire être.
3. Eva collectionne les verres en plastique des festivals qui s’accumulent dans ses placards tout comme les tote bags qu’elle oublie de réutiliser d’une fois sur l’autre; Ivan, lui, collectionne les pansements décorés, il en possède de toutes sortes, et n’hésite pas à s’en orner sans raison juste pour les montrer comme des tatouages : le dernier en date est un carré fluorescent sur le thème de l’espace qui fait sensation en boîte de nuit et attire un soir les faveurs d’Eva qui tombe sous le charme d’Ivan; les deux tourtereaux découvrent les détails farfelus de chacun et donnent naissance à un enfant collectionneur de clous.
4. Léna et Lison jouent au bord de la piscine du mas provençal familiale, les cigales chantent, les adultes descendent les pastis à l’ombre de la terrasse, quand soudain Léna entend un plouf et voit sa petite sœur disparaitre au fond du bassin; Léna n’hésite pas et plonge récupérer sa sœur qui hoquète en crachant de l’eau; le père tremblant récupère Lison et administre une claque à son ainée, persuadé que celle-ci a poussé sa sœur.
5. Après avoir prié toute la nuit, Odile se penche sur le corps rabougri qui rend son dernier souffle, et les vingt-et-un petits grammes d’âme s’envolent, laissant derrière eux le silence dans le lit médical de cette chambre sombre aux odeurs de médicaments; soulagée, un peu, de ne plus voir sa mère souffrir, effondrée, beaucoup, par le vide que ses souvenirs ne sauraient combler; les gens diront « elle a eu une belle vie, 91 ans tout de même ! », mais rien ne la consolera : sa maman vient de mourir et ne reviendra pas.
6. Un jeune homme soucieux de la planète et en guerre contre les déchets, ramasse un doudou d’enfant sale et le jette dans une poubelle proche tout en continuant sa promenade, sans se soucier un seul instant du désarroi qu’il vient de causer aux parents qui déjà rebroussent chemin en courant, encouragés par les cris aigus de leur enfant inconsolable et en pleine période de Terrible Two ; chacun blâmant l’autre de ne pas avoir prévu un doudou en double au cas où.